Les Sables - Les Açores - Les Sables : Étape 1
Antoine Ouvrard-Lanet
9/9/2024
trame de lignes en forme de vague par dessus le mage
Les Sables - Les Açores - Les Sables : Étape 1
Récit de course
Course au large
Offshore Sailing
Écris par
Antoine Ouvrard-Lanet
dernière mise à jour le
1.12.2024
La SAS, Les Sables d'Olonne - Les Açores - Les Sables d'Olonne est la course la plus importante et la plus attendue de l'année. L'une des courses majeures du circuit de la classe mini car il s'agit de la seule course océanique avec la Mini Transat. C'est un passage presque obligatoire pour tout ceux qui compte s'élancer dans la traversée de l'Atlantique, un entraînement sans comparaison possible avec les autres courses et la découverte du vrai grand large.

C’est LA course de l’année. Un aller-retour à Horta, sur l’ile de Faial, tout au bout de l’archipel des Açores. En solitaire, et dans la même configuration que celle de la mini transat. En tout c’est presque2600 milles du meilleur entraînement possible en prévision de la traversée de l’année prochaine : une sortie du golfe de Gascogne, la découverte des alizés portugais, la succession de plusieurs systèmes météo, l’information météo seulement grâce à la radio BLU, et la gestion du marin et du bateau au grand large.

Départ et premières heures de course paisibles

Vendredi 19 juillet, jour du départ. Je suis remorqué par un zodiac pour remonter l'emblématique chenal des Sables d'Olonne, le même que celui emprunté par les marins du Vendée Globe. La météo est idéale au départ, avec un grand soleil, une mer plate et une douzaine de noeuds de vent. Cependant, je ne réalise pas un bon départ et me retrouve assez rapidement à dans la partie arrière du peloton dès la première journée.

Le deuxième jour commence nous progressons au près dans de petits airs, avec des zones de risées et de calme plat. Il faut zigzaguer pour éviter les zones sans vent. Premier contact avec un groupe de dauphins que je filme sous l'eau. Ce qui nous attends et en revanche moins paisible car nous allons chercher dans l'ouest l'arrivée d'un front qu'il faudra traverser avant de faire route vers le sud.

Passage de front et conditions difficiles

En fin de deuxième journée la flotte arrive dans le front attendu (c'est l'entrée d'une dépression) composé de très fortes pluies et de vents violents. Le ciel noir ne trompe pas et une pluie battante s'abat sur la flotte alors de que le vent progresse de plus en plus pour rapidement s'établir aux alentours des 25 noeuds.

Après avoir traversé le front, la pluie s'arrête et le vent se renforce considérablement, atteignant plus de 30 nœuds avec des rafales à 35 nœuds. La mer alors formée avec des vagues de 2 à 3 mètres frappe violemment le bateau. Je reste à l'abri à l'intérieur, laissant principalement le pilote automatique faire son travail. La nuit est dure pour les bateaux, avec des chocs violents et déjà de la casse dans le reste de la flotte dont un démâtage. De mon côté je souffre du mal de mer, ce qui me fatigue encore plus et m'empêche de manger.

J'ai globalement eu du mal à rentrer dans ma course et prendre le rythme, cette nuit agitée me le fait bien sentir.

Cap Finistère et alizés portugais

Au troisième jour les conditions se calment enfin et je parvient à me nourrir et reprendre de l'énergie, mon repos devient alors plus efficace et je sens que je suis désormais rentré dans ma course. L'objectif est de quitter le golfe de Gascogne en passant le Cap Finistère pour ensuite profiter des alizés portugais et descendre vers le sud. Je réalise une bonne option proche du cap Ortegal en me rapprochant de la côte nord de l'Espagne, ce qui me permet de remonter des places. Le passage du DST (zone de séparation du trafic maritime) au large du Cap Finistère marque l'entrée dans le grand large. 

À partir de ce moment c'est comme si la route s'allongeait, direction le sud ou le sud-ouest, l'archipel des Açores devient la nouvelle cible. C'est aussi l'entrée dans les alizés portugais qui nous permettent d'allonger nettement la foulée avec du vent fort venant de l'arrière et des surfs grisants sous le soleil.

Premiers problèmes techniques

Ce sont dans ces conditions, alors que j'encaisse les bénéfices de ma bonne option du jour précédent et rattrape les concurrents se situant devant moi que mon premier problème technique survient : mon pilote automatique ne s'enclenche plus. Après avoir passé toute la fin de nuit a barrer je décide d'affaler mes voiles pour m'arrêter, identifier la panne et la réparer. Je laisse le bateau à la dérive bousculé par les vagues pendant que je plonge la tête dans le système électronique du bord. Je fini par découvrir qu'il s'agissait seulement un fusible grillé mais n'ayant pas cherché tout de suite au bon endroit cela m'a fait perdre beaucoup de temps et de places au classement. Je répare la panne et repars à fond, couteau entre les dents.

Dorsale anticyclonique et vents faibles

Les jours suivants le vent baisse de plus en plus, une dorsale anticyclonique nous barre la route. C'est une zone de hautes pressions atmosphériques avec très peu de vent, le problème est que celle-ci est très étendue et parfaitement sur notre chemin.

La flotte s'étale petit à petit, quelques options se mettent en place pour des routes plus au Nord ou plus au Sud. La question que chacun se pose est alors déjà celle de savoir par où arriver sur l'archipel des Açores. Y aura-t-il du vent au-dessus ou en-dessous ? À partir de 5 jours de course il devient compliqué de se baser sur les informations météos que nous avions avant le départ, les choses changent beaucoup et nous sommes très attentifs à la météo qui nous est fournie par la direction de course à l'aide de la radio BLU. Mais la précision de ces prévisions est très faible et nous donne surtout des informations sur le positionnement des systèmes et leur déplacement à trois jours.

Blackout d'énergie

Le huitième jour, au petit matin, mes batteries tombe à plat complètement me laissant sans énergie à bord. Un problème au niveau du convertisseur d'énergie de mes panneaux solaires à empêché une charge correcte et je découvrirais plus tard une fois arrivé à Horta, qu'un branchement s'était également dégradé, me laissant sur l'usage d'une batterie au lieu de deux.

Un blackout d'énergie signifie une absence total d'instruments et de navigation donc plus d'informations sur le vent, ma route et ma vitesse. Mais plus grave encore cela signifie plus de pilote automatique, ce qui en solitaire et très handicapant. Pour ma position et ma route j'ai à bord un GPS de secours qui me donne ma position, mon cap, ma vitesse et me permet de rentrer un waypoint pour connaitre la route à suivre. Cependant toujours pas d'informations sur le vent et toujours pas de pilote automatique.

Je reste donc à la barre le plus longtemps possible, les batteries sont en mesure de se recharger mais extrêmement faiblement ce qui me laisse au maximum 15 minutes de pilote automatique par jour que je réserve pour les manoeuvres de changement de voile les plus longues. J'estime alors le temps de course qu'il me reste à deux jours, je serai fatigué mais c'est faisable. 

Arrivée aux Açores et dernières heures interminables

Je repère les premières lumières de l'archipel des Açores dans la nuit du 9ème au 10ème jour, mais la route est encore longue car Horta se trouve sur l'ile de Faial au bout de l'archipel. Alors que je me pense sur la fin de la course et que la dernière journée va se composer d'une traversée de l'archipel et d'un découverte de celui-ci, je vais en réalité passer une journée entière englué au même endroit dans une zone sans vent, devant l'ile de Terceira. Le vent nous à complètement abandonné sur cette journée et après 10 jours de course la patience et le moral des concurrents sont mis à rude épreuve. Nous rigolerons tous de nos différents craquages et pétage de plombs une fois arrivé à Horta. 

Le vent se décidera enfin à refaire son apparition en fin de journée pour me permettre de parcourir les derniers milles du parcours. Mais mon état de fatigue du fait de la perte de mon pilote automatique est critique. Je n'aurais pas dormi plus de trois heures sur les trois derniers jours de course. La dernière nuit est un calvaire et je me bât avec ma fatigue pour rester debout au point de subir plusieurs hallucinations plus intenses que tout ce que j'avais pu expérimenté jusque là.

En tout début de matinée du onzième jour je fini par dépasser Sao Jorge, dernière ile avant ma destination et arriverait à Horta après 11 jours presque heure pour heure.